12/07/2014
Clash. L'opposition municipale quitte le conseil
Le Télégramme du 12 juillet 2014 / Thierry Charpentier /
Du rarement vu, voire du jamais vu, hier soir, lors du dernier conseil municipal avant les vacances. En tout début de séance, sur un voeu somme toute anodin, le maire a sommé, à plusieurs reprises, l'opposition de se taire et n'a plus rien voulu entendre. Les conseillers d'opposition, dénonçant un déni de démocratie, ont quitté les lieux.
« M. Gramoullé, fermez votre micro ! » On est loin des éléments de langage savamment choisis. Le ton de Ludovic Jolivet est péremptoire et tranche avec la demande de prise de parole du flegmatique chef de file de l'opposition municipale. Il est à peine 18 h 15 et le conseil municipal va connaître un moment de tension qui n'est guère coutumier à Quimper.
Débat renvoyé à la toute fin de séance
Tout débute, à l'ouverture des débats, quand Ludovic Jolivet annonce qu'il retire de l'ordre du jour un voeu demandant au conseil de se solidariser avec l'Association des maires de France. L'AMF s'est en effet insurgée contre la baisse massive des dotations de l'État. Fidèle à ses prises de positions précédentes, Ludovic Jolivet explique qu'à ses yeux, il faut accompagner l'État dans le redressement des finances publiques et non le blâmer. Durant quelques minutes, il s'en ouvre à nouveau devant le conseil, parle du « défi inédit » à venir... Mais annonce tout de go, comme le lui permet le règlement intérieur, qu'il renvoie le débat autour de ce voeu à la toute fin de séance. Et d'enjoindre son adjointe, Marie Le Gall, chargée du handicap, à lire la première délibération.
« Non, il n'est pas normal que vous ayez la parole »
Mais, à l'autre bout de la salle, Gilbert Gramoullé lève déjà la main. Ludovic Jolivet feint de l'ignorer mais Gilbert Gramoullé lui demande la parole. L'élu d'opposition dira ensuite que le maire ayant livré un commentaire politique, il ne pouvait pas ne pas s'exprimer. Répétant qu'il a proposé que « ce débat ait lieu en fin de séance », le maire le coupe sans ménagement et à trois reprises : « M. Gramoullé, je vous demande de fermer votre micro ! ». Au ton employé, on croit presque entendre « Fermez votre g... ». Gilbert Gramoullé passe outre. Marie Le Gall peine à lire son texte. La toute jeune assemblée observe, interloquée, la tension monter. Piero Rainero demande une suspension de séance, qu'il n'obtient pas. Dénonçant un abus de pouvoir, les neuf conseillers d'opposition décident, malgré tout, de quitter les lieux. Ils reviennent une poignée de minutes plus tard et se rassoient. Gilbert Gramoullé, calmement : « La moindre des choses est de me laisser terminer. Il est normal que j'aie la parole ». Ludovic Jolivet va-t-il infléchir sa position ? « Je préside ce conseil. Non, il n'est pas normal que vous ayez la parole ! », lui répond-il, rappelant qu'il est maître des débats.
« Du théâtre ! Ça ne me gêne pas »
« Autoritarisme ! » « Jamais vu ça ! » Les protestations reprennent de plus belle. La jeune conseillère verte Anne Gouérou interpelle le maire : « Il ne s'agit pas d'un débat, alors ? ! ». Elle s'entend répondre : « Il y a quelques règles de politesse qu'il faudra que vous appreniez, Madame ! ». Daniel Le Bigot l'interroge : « Avez-vous l'intention de faire ça à chaque conseil ? ». Le maire lui lâche : « M. Le Bigot, on sait que vous êtes un agitateur ! ». Bronca. L'opposition est en train de quitter les lieux quand Georges-Philippe Fontaine, adjoint aux finances, veut mettre son grain de sel : « On viendra vous chercher au XXIe ! » (NDLR, un bar de la place Saint-Corentin). Mal lui en prend. Daniel Le Bigot : « Georges-Philippe, tu n'es pas obligé de faire écho à la stupidité ! ». C'est sur cette remarque que les neuf conseillers disparaissent. À l'extérieur, les commentaires sont peu amènes : « Le maire ouvre un débat et refuse que l'opposition s'exprime. Nous faisons une suspension de séance. Normalement, il a eu le temps de se calmer et de se montrer à la hauteur de sa fonction, mais non, il s'enfonce ! », livre Gilbert Gramoullé. « Ce n'est pas une question de légalité, mais de perception démocratique d'autant que ce n'était pas un sujet qui allait cliver. Et qu'il me traite d'agitateur quand, il y a quelques mois, il était encore à ma place... », estime Daniel Le Bigot. Tous regrettent de n'avoir pu débattre. À l'intérieur, les délibérations sont votées à grande vitesse. À travers quelques saillies humoristiques, certains s'ingénient à minimiser le clash. « Du théâtre ! Ça ne me gêne pas », dira, peu après, Ludovic Jolivet. Isabelle Le Bal, qui portait un voeu pour la réunification de la Bretagne, obtient certes un vote à l'unanimité, mais amputé de dix voix dont elle savait, avant le conseil, qu'elles allaient lui être acquises. La rentrée politique promet.
10:28 | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Lors du mandat précédent, je n'ai jamais vu Bernard Poignant refuser la parole à l'opposition ni même à ses colistiers... Ainsi il a laissé son adjointe M.Petit, lors des derniers conseils parler pendant de longues minutes où elle disait tout le mal qu'elle pensait de sa politique
Ludovic Jolivet en bon communicant sait que le conseil est un spectacle. Pense-t-il, avec la montée du FN, que l'heure est à l'autoritarisme ? La suite nous dira s'il a eu raison mais cela ne présage rien de bon pour la démocratie.
Écrit par : Jules | 13/07/2014
Je n'étais pas à ce conseil, mais à ce que j'ai lu dans la presse, je crois avoir compris que monsieur Jolivet avait demandé à reporter le débat en fin de conseil, mais que l'opposition voulait prendre la parole tout de suite.
En tant que maire c'était à Jolivet de décider du déroulé de la scéance, me semble-t-il. Donc je ne comprends pas bien où est le danger pour la démocratie.
Beaucoup de cirque pour rien, me semble-t-il. Sur son blog, Jean-Marc Tanguy en rajoute des tonnes. cela frise le ridicule.
Écrit par : claude | 13/07/2014
Claude, soutien indéfectible de Ludovic Jolivet, ne peut voir où il y a problème lorsque son idole fait preuve d'autoritarisme.
Écrit par : Lise | 13/07/2014
L'autoritarisme, le "déni de démocratie", sont toujours les défauts reprochés à la majorité par l'opposition. Monsieur Poignant et même monsieur Le Bigot, parce qu'ils n'écoutaient pas, n'entendaient pas, n'ont pas été épargnés.
Pour ma part je ne suis soutien indéfectible de personne. Je juge sur les résultats, les projets, et la capacité d'écoute. En son temps, j'avais même voté pour monsieur Le Bigot et monsieur Poignant, pensant qu'un écologiste ne pouvait pas faire de mal à la ville, ni un homme de gauche en principe plus proche des préoccupations du peuple...avant de voir le résultat, à l'opposé de mes attentes.
Par ailleurs, que Jules essaie de mêler le FN au jeu de rôle qu'a joué l'opposition au dernier conseil est un peu... limite.
Diabolisez, diabolisez, vous finirez par le rendre désirable à ceux qui ne supportent pas la stigmatisation et la manipulation d'opinion.
C'est ce qu'on a constaté aux dernières élections nationales, au détriment de la démocratie justement.
Écrit par : claude | 13/07/2014
On peut comprendre que ceux qui sont passés de la majorité à l'opposition ont encore un peu de mal à accepter que ce ne sont plus eux qui dirigent les débats. Les vacances d'été vont leur laisser le temps de relativiser et d'accepter enfin la nouvelle réalité.
Les rancoeurs et la fébrilité vont retomber. Tous ces grands mots, ces réactions extrêmes me semblent d'autant plus excessifs, qu'il n'y avait pas, je crois, de sujet très clivant à ce Conseil. Pour ma part, mais ce n'est que mon opinion de spectateur, je crois qu'il y a des "mauvais perdants". Je comprends que monsieur Poignant, vu la très haute opinion qu'il a de lui-même, ait préféré se "retirer" plutôt que d'accepter un simple poste dans l'opposition, alors que c'était lui qui décernait ces dernières années les bons et
mauvais points du haut de son poste de "chef" ces dernières années. Il laisse une place libre, normal qu'il y en aient qui jouent des coudes pour essayer de s'imposer comme "leader" de l'opposition, quitte à provoquer un clash un peu artificiel, sans vraie raison de fond.
"La rentrée politique promet"...
Ci-dessous un communiqué trouvé sur le facebook d'un membre de la majorité municipale, par rapport à ce "clash". Je trouve qu'il éclaire ce qui s'est passé. Si monsieur Le Bigot le publie dans les commentaires, il convient de lui accorder une mention de "démocrate", en tous cas sur son blog. Après, à chacun de juger ce qu'il doit penser de ce "non-évènement".
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"COMMUNIQUE"
"Le temps des postures est terminé, place à la responsabilité !"
Lors du dernier Conseil municipal, les élus de l’opposition ont choisi un mode d’expression déplacé sur la forme qui les a conduits à pratiquer la politique de la chaise vide pendant presque toute la séance.
En ce début de mandat, il semble important de rappeler à chaque élu qu’il y a des règles de base pour le fonctionnement du conseil municipal prévues par le code général des collectivités locales, tout comme il y en a pour toute expression en collectivité qu’elle soit association, syndicale ou politique.
Ici à Quimper, comme dans chaque commune de France d’ailleurs, c’est le maire qui décide de l’ordre du jour ; il fixe les délibérations, organise les séances publiques. Il préside le conseil municipal et donne la parole aux conseillers, il organise les votes.
Mr Ludovic Jolivet, en début de conseil comme il est de coutume, a précisé l’ordre du jour et les conditions du retrait d’un vœu proposé par l’Association des maires de France. Ce vœu présenté d’ailleurs par la majorité - et non pas par l’opposition- comportait des critiques jugées polémiques sur le Gouvernement concernant la dégradation des conditions financières publiques. Sic…Dans un esprit de responsabilité, le maire a expliqué qu’il préférait ne pas soumettre au vote ce vœu et a proposé de débattre sur la dégradation financière des communes à la fin du conseil avec l’autre vœu inscrit à l’ordre du jour.
Plusieurs élus de l’opposition, dans un brouhaha inintelligible, se sont alors auto-attribué la parole sans l’accord du maire comme le prévoit le règlement. Puis ils sont sortis de la salle, puis revenus, puis repris la parole sans y avoir été invité.
Le maire a toute légitimité conformément aux règlements de nos assemblées d’organiser le débat de la manière qu’il juge la plus sereine.
Si on peut comprendre que les anciens adjoints au maire n’ont pas encore pris toute la mesure de leur rôle dans l’opposition, il n’en n’est pas moins vrai que de choisir l’indignation permanente sur tout et sur rien ne correspond pas aux décisions socio-économiques que les quimpérois attendent de nous.
Le règlement intérieur voté d’ailleurs quelques minutes plus tard, précise dans la plus grande clarté l’ensemble modalités de fonctionnement pour les élus de la majorité comme ceux de l’opposition.
Les élus minoritaires auront tout le loisir de faire connaître plus avant leurs positions, notamment sur les finances, dans la rubrique du magazine municipal qui leur est réservée.
"Communiqué de la majorité municipale"
Écrit par : breton | 15/07/2014
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