Daniel Le Bigot

La cathédrale Notre Dame a subi  un terrible incendie qui a détruit quasiment toute sa charpente et sa  toiture. Le fait a suscité une très forte émotion dans tout le pays. Depuis cet évènement les annonces concernant sa réparation se succèdent avec leur cortège de dates et de délais ainsi que les sommes récoltées pour les travaux. 1 milliards d’euros de disponible, c’est ce que nous annoncent les récolteurs de fonds pour une  dépense évaluée entre 500  et 800 millions  euros. La somme récoltée est en grande partie du fait des dons des 3 plus  grandes fortunes du pays. Alors quand le Maire de Quimper propose que le conseil municipal verse lui aussi une subvention de 10 000 euros, les élus et les citoyens sont en droit de s’interroger.

      Pourquoi abonder à partir de l’impôt local,  un fond qui semble déjà largement suffisant ? L’argent publique est rare, c’est ce que nous annonce régulièrement le Maire lorsqu'il  parle des subventions aux associations.

      Il y a par ailleurs sur Quimper des ouvrages du patrimoine qui appartiennent à la ville et qui nécessitent  eux aussi des réparations. L’église de Locmaria,  par exemple pour rester dans le domaine des lieux religieux. Or sur ce cas précis la collectivité à du mal à rassembler les 100 000 euros nécessaires pour le bouclage du dossier.

     Certes  l’émotion créée par l’incendie de Notre Dame est très forte dans tout le pays et elle est parfaitement légitime au regard de ce que représente cet édifice,  autant pour les croyants que pour ceux qui ne le sont pas. Que chaque individu se sentant concerné y aille de son obole  me semble parfaitement légitime. L’engagement financier de la ville au regard de ses  compétences me parait  lui, des plus discutable.

           Depuis hier, c’est la litanie des experts. Chacun y allant de sa parole quant à la reconstruction de la cathédrale Notre Dame. Cet afflux d’avis et d’expertises m’amène à trois remarques de caractère général. 
 - La première concerne évidemment le financement. Les pompiers étaient encore sur place que déjà la tirelire sonnait pour près d’un milliard d’euros. Pas de surprise, les principaux donateurs sont bien entendu les grandes fortunes du pays. Comme quoi, de l’argent, il y en a, suffit juste de trouver la bonne cause pour le faire sortir des portefeuilles. Le climat, la pauvreté…. bof, mais Dieu fait encore recette. 
 - La deuxième remarque concerne la reconstruction elle-même. Bagarre de spécialistes ou lutte d’intérêt, faut-il consacrer une forêt de chênes pour refaire la toiture ou va-t-on utiliser des matériaux modernes, plus légers plus faciles à mettre en œuvre. Je pense qu’à l’époque nos bâtisseurs de cathédrale faisaient avec ce qu’ils connaissaient et avec ce qu’ils avaient sous la main (je vous conseille « les piliers de la terre » de Ken Follet). La ferveur des fidèles ne sera pas moins forte si la charpente est  en titane plutôt qu’en chêne et la photo du touriste sera aussi réussie quel que soit le matériau. Ceci dit cette reconstruction peut aussi être une véritable vitrine du savoir-faire et de ce point de vue, il sera important que nos décideurs sachent ce qu’ils veulent mettre en avant… un matériau naturel, une technologie innovante… ? Pour ma part je pense qu’il y a là une excellente occasion de marier, pour un vrai sacre à notre Dame, patrimoine et prise en compte de la nécessaire transition écologique.
 - Le dernier point concerne l’empressement, habituel complice de l’émotion dans les grands événements historiques qui bien souvent conduit aux mauvaises décisions à long terme. Que le Président de La République fasse, à cette occasion, preuve de compassion.. C’était nécessaire et cela a été bien fait. Qu’il donne le cap en disant « on ne va pas se laisser abattre, on va la refaire… » C’est parfaitement son rôle. Mais, qu’il donne une échéance de 5 ans avant d’avoir recueilli les avis, alors que les cendres encore chaudes empêchent toutes expertises des maçonneries, là on est dans l’incantation post traumatique dont le but est de  recycler  un fort  flux émotionnel  et ce n’est pas du tout ce que l’on attend du décideur qu’est le Président de La République.